18 octobre 2013

À Français, Français et demi

Un jour, à 24 ans, j’ai découvert la discrimination à Paris. Tout juste diplômé d’une « grande école », un CDI plutôt bien payé en poche, je cherchais un logement. Jeune, fougueux, optimiste, j’étais loin d’imaginer que la discrimination au logement pouvait concerner quelqu’un comme moi. Comme je me trompais ! Voici des extraits quelque peu retravaillés de la lettre que j’ai écrite, quelques mois après les faits, à la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), un organisme dont je venais juste de découvrir l’existence.

En cette fin août, mon diplôme en poche, je suis de retour de vacances et je me cherche un nouvel appartement à Paris avant de commencer à travailler en CDI au sein de la société K…. J’aborde cette recherche d’appartement avec confiance : en effet, non seulement je peux faire valoir plusieurs années d’expérience locative à Paris, sans histoire, mais par ailleurs, je pense présenter aux propriétaires particuliers et aux agences immobilières un bon dossier de candidature, susceptible de convaincre rapidement mes interlocuteurs. Ainsi, à chacune de mes visites, je mets en avant ma qualité de jeune diplômé de cette école assez connue, et dans mon dossier figure une copie des pages significatives de mon contrat d’embauche, avec en particulier, la rémunération bien mise en évidence. C’est un salaire suffisant pour payer le loyer du type d’appartement que je recherche (800 € par mois maximum). De plus, je crois mettre toutes les chances de mon côté en me munissant de la garantie de mes parents, documents à l’appui. Mes parents résident et travaillent en Martinique, d’où je suis originaire, et gagnent tous deux un salaire mensuel très correct. Avec un si bon dossier, je suis serein pendant cette rude épreuve qu’est la recherche d’un toit à Paris. Peut-être un peu trop serein ?

C’est ainsi que, le 25 août, je visite l’agence Laforêt Immobilier « Acta » au 52, rue Montmartre, à Paris 2e. J’y rencontre Madame Azita M., petite femme brune dans la quarantaine, qui m’annonce qu’elle peut me faire visiter un appartement qui m’intéresse. Il s’agit d’un studio de 25 m² à louer pour 790 € par mois à la rue Pierre Lescot dans le quartier des Halles. Elle fixe la date de cette visite au lendemain, le vendredi 26 août à 13 heures, et j’accepte le rendez-vous.

Je suis le premier arrivé sur le lieu du rendez-vous, avec cinq minutes d’avance sur l’heure convenue. La visite se déroule très bien. L’appartement est bien aménagé, avec une belle mezzanine. Je suis tout de suite intéressé et le fais savoir à Mme M. Je lui présente donc un dossier, et je commence mon argumentaire habituel destiné à marquer des points. Malgré mon discours rôdé, Mme M. se montre extrêmement tatillonne. Fini de tourner autour du pot. Sous mes yeux, mon affable interlocutrice se mue subitement en Grande inquisitrice doublée d’une bureaucrate zélée. D’abord, il manque des documents à mon dossier. En plus, les trois fiches de salaire de mon père ne concernent pas trois mois consécutifs, et elle exige, pour que ce soit plus « net », que je fournisse des fiches de paie correspondant à trois mois consécutifs. Non, vous comprenez, hein Monsieur, mars, avril et juin, ça fait désordre. De plus, elle réclame le dernier avis de taxes foncières, de façon à avoir la preuve que mes parents sont propriétaires de leur maison. Par ailleurs, elle voudrait avoir une attestation de leurs employeurs respectifs. Juste pour être bien sûre qu’ils travaillent vraiment, hein… Ensuite, elle exige que mon dossier comporte mes trois dernières quittances de loyer, alors qu’il n’en contient qu’une. Elle me remet une fiche de renseignements très détaillée que je dois remplir à propos de moi-même et de mes parents. Pour finir, elle me demande sans se gêner pourquoi je quitte mon appartement de l’avenue de Clichy, comme si ça la regardait. Je suis consterné par cette accumulation de documents supplémentaires qu’elle souhaite obtenir, ainsi que par le caractère indiscret de sa dernière question. Mais je n’en laisse rien paraître : je réponds le plus poliment du monde à sa question qui me semble déplacée, et je m’engage à lui fournir le plus rapidement possible les pièces manquantes. Après tout, c’est l’enfer de la recherche de logement à Paris qui veut ça…

Nous nous séparons peu au bout d’une demi-heure, et je sens que la visite s’est bien passée, malgré le côté particulièrement déplaisant et invasif de cet interrogatoire en règle que j’ai subi.

Une annonce immobilière à Paris. Il est difficile de se loger dans la Ville Lumière. Alors si en plus on doit subir des discriminations à cause de ses origines...
Une annonce immobilière à Paris, en juin 2013. Il est difficile de trouver un logement dans la Ville Lumière, et c’est hors de prix. Alors si en plus on doit subir des discriminations à cause de ses origines…

Quelques heures plus tard, tout bascule. En sortant du métro, j’écoute un message qui vient d’arriver sur mon répondeur. Il est de Mme M., et elle me l’a laissé quelques minutes plus tôt. En voici le contenu, mot par mot :

« Oui bonjour M. Berliniquais, je suis Azita M. de l’agence Laforêt Immobilier. Ben écoutez, je vous appelais pour vous dire que j’ai regardé un petit peu votre dossier, euh… pour voir un petit peu. Bon j’en ai parlé avec ma directrice, mais finalement nous avons une assurance des loyers impayés sur cet appartement qui refuse les cautions en dehors de France Métropole. Donc, euh… avant de déranger vos parents, j’ai, euh… je voulais vous dire que si vous avez une caution… ou une personne qui peut vous porter garant ici présent, vous pouvez le présenter, mais sinon la caution de vos parents ne passera pas pour cette assurance… Bon, rappelez-moi si vous avez besoin de plus de renseignements, lundi au 01.40.41.xx.yy. Merci ».

Je n’attends pas le lundi suivant pour contacter Mme M. : je la rappelle immédiatement. Furieux, indigné, je proteste énergiquement et je lui fais comprendre que je me sens aussi humilié que si on m’avait frappé à la figure, et que j’assimile cette clause inattendue à de la discrimination et du racisme, car la Martinique est un département où s’applique l’intégralité de la souveraineté et du droit français (*). Elle ne cesse de répondre qu’il n’en est rien, que c’est une simple clause que l’on rencontre parfois dans les contrats d’assurance, mais que cela n’a rien à voir avec du racisme. Elle insiste bien sur un point : elle n’y peut absolument rien, puisqu’elle ne peut pas passer outre le contrat d’assurance passé entre le propriétaire de l’appartement et l’assureur. Elle tente de m’apaiser en soulignant que c’est un cas particulier qui s’applique à cet appartement et à son propriétaire, mais que cela ne se présente pas de façon systématique. Mais je ne veux rien savoir et lui réponds que ce simple cas particulier est déjà un cas particulier de trop. Lassée de mes vociférations, elle écourte la conversation en prétendant qu’elle a un double appel et qu’elle me recontactera dans la semaine, ce qu’elle n’a pas fait, bien entendu.

Le lundi suivant, je repasse à l’agence Laforêt pour tenter d’en savoir plus. Mme M. ne souhaite pas coopérer ; elle me rend le dossier que je lui avais donné le vendredi à la rue Pierre Lescot, pour bien me signifier le rejet de ma candidature pour cet appartement. Elle réitère son impuissance devant ce type de contrats, qui selon elle sont parfaitement légaux et sont monnaie courante. Et comme je lui demande le nom de cette société d’assurance, elle me le donne. Il s’agit d’une certaine société Insor. Plus tard dans la journée, j’échoue dans ma tentative d’entrer en contact avec le ministère de l’outre-mer, que je souhaitais informer de cette histoire. Puis, j’apprends que mon dossier est retenu pour un appartement situé près de l’Hôtel de Ville. J’ai donc trouvé un logement, mais je souhaite quand même tirer au clair cette mystérieuse clause du contrat d’assurance, et bien sûr faire valoir mes droits de citoyen français.

L'agence Laforêt Immobilier de la rue Montmartre, en octobre 2013. Cette agence a l'habitude de faire subir des discriminations aux Français d'origine antillaise, au mépris total de la loi républicaine.
L’agence Laforêt Immobilier de la rue Montmartre, en octobre 2013. Cette agence a l’habitude de faire subir des discriminations aux Français d’origine antillaise, au mépris total de la loi républicaine.

Sur le site des Pages jaunes, je note l’adresse de la société Insor : 88, avenue des Ternes, Paris 17e. Je note aussi l’adresse de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), au cas où… C’est ainsi que le 1er septembre, vers 17 heures, je me rends à l’adresse des bureaux d’Insor, toujours déterminé à obtenir d’eux le maximum de réponses. Mais sur place, je déchante: Insor n’a pas de bureaux ! Au contraire, une femme qui travaille dans cet immeuble pour une autre société m’apprend que c’est bien ici l’adresse d’Insor, juste pour recevoir le courrier, mais que personne de cette entreprise ne travaille sur place. Elle ne les a jamais rencontrés, et se contente de leur transmettre régulièrement leur courrier. Je lui explique que je souhaiterais vivement rencontrer une personne de cette société, mais elle me répond que ce n’est pas possible. Le seul moyen de communiquer avec Insor, c’est par téléphone ou par fax, mais elle n’a pas le droit de me transmettre leurs coordonnées, ni même la véritable adresse, d’ailleurs. Estomaqué, je lui réponds que le numéro de téléphone est dans les pages jaunes, mais elle rétorque que tout ce qu’il me reste à faire c’est donc de tenter de les joindre au numéro indiqué.

Après cette nouvelle déconvenue, je commence à être vraiment exaspéré, et par conséquent, avant même d’appeler Insor, je passe directement au siège de la Licra, pour signaler cette histoire de plus en plus étrange. J’y rencontre une jeune juriste, Audrey, qui s’intéresse à mon cas, et qui me demande de tenter de me procurer un original de ce contrat d’assurance et de la fameuse clause. Elle me conseille également d’agir avec prudence et de ne pas révéler que je suis entré en contact avec des associations. Une recommandation pleine de bon sens.

Le lendemain matin, 2 septembre, j’appelle cette mystérieuse compagnie d’assurances. Et là, c’est une nouvelle surprise : il ne se passe absolument rien. On peut laisser sonner 20 fois ou plus, rien ne se produit. Personne ne décroche, aucun répondeur ne se met en marche, aucun bip de fax ne sonne, aucun message d’erreur ne se déclenche… Cette fâcheuse société Insor a manifestement décidé de se mettre coûte que coûte à l’abri des visites et des coups de téléphone importuns.

Après ce nouvel échec, je retourne voir Mme M. à l’agence Laforêt Immobilier. Je prépare ma visite, en répétant un scénario destiné à établir une atmosphère de confiance : je commencerai par lui annoncer que j’ai trouvé un appartement. C’est ce que je fais, et notre dialogue commence donc sur un ton amical ; elle me félicite pour mon succès. Je lui parle alors de mes difficultés à entrer en contact avec cette société Insor, et lui raconte mes tentatives infructueuses. Elle tente de minimiser le sérieux de mon propos, et prétend qu’elle n’a jamais eu de contacts avec Insor autrement que par courrier ou par fax. Elle assure ne jamais avoir eu de rencontre ou de contact téléphonique avec quiconque de cette société, et elle ajoute que c’est une pratique fréquente dans « le réseau » des assureurs. Je lui explique alors que dans les Pages Jaunes ne figure qu’un seul numéro de téléphone, et aucun numéro de fax, et que de toute évidence le numéro que j’ai appelé n’est pas celui d’un fax, car il n’y a eu aucun bip. Le regard condescendant, la mauvaise foi dans le ton, elle soutient le contraire : c’est sûrement un numéro de fax, puisque personne ne répond. Et quand je lui demande si elle peut me donner le numéro de fax qu’elle détient, afin de voir si c’est le même numéro qui figure dans les Pages Jaunes, elle se ravise immédiatement sans se démonter : tout compte fait, elle n’envoie jamais de fax à Insor, seulement des courriers, donc elle ne connaît pas leur numéro de fax non plus. CQFD.

Miséricorde ! C’est tout de même fâcheux à la fin.

Devant tant de mauvaise volonté, je change de stratégie : je lui demande si elle a un exemplaire de ce contrat d’assurance, avec cette fameuse clause qui est à l’origine de tant de désagréments. Mais je ne suis pas au bout de mes surprises. Mme M. soutient fermement n’avoir aucun écrit témoignant de cette clause, aucun contrat, aucune copie, rien. Abasourdi, je lui demande comment elle savait alors que mon dossier allait être rejeté à cause de la résidence de mes parents hors de France métropolitaine. Sans sourciller, elle me répond qu’elle sait que c’est dans les habitudes d’Insor d’inclure cette clause dans ses contrats, et que d’expérience elle a constaté que cette compagnie écarte systématiquement les dossiers qui ne correspondent pas à ce critère particulier. Elle les a donc devancés en prenant l’initiative de rejeter mon dossier, puisque tout lui permettait de penser a priori qu’Insor le refuserait de toute façon. Mais tout ceci sans la moindre consigne écrite ni le moindre contrat d’Insor, bien entendu. Et puis elle tente de me raisonner :

« Mais pourquoi vous vous compliquez la vie comme ça ? Vous devriez être content, maintenant que vous avez trouvé votre appartement ! Vous perdez votre temps pour des petits détails comme ça. Franchement, si vous avez tellement de temps à perdre, continuez à essayer de rencontrer Insor, mais vous faites vraiment tout ça pour rien… »

Elle est complètement à côté de la plaque, et refuse de comprendre qu’on puisse vouloir faire respecter ses droits… Je l’ai donc quittée en lui répondant : « Je ne pense pas que je suis en train de perdre mon temps. Au revoir ».

Mes démarches pour faire la lumière sur ce contrat ont été malheureusement tenues en échec.

La discrimination au logement frappe de plein fouet toutes les "minorités" en France, y compris des citoyens français d'origine antillaise.
La discrimination au logement frappe de plein fouet toutes les « minorités » en France, y compris des citoyens français d’origine antillaise. Image prise là.

Contre toute attente, au mois d’octobre, j’ai réussi à avoir une conversation téléphonique de quelques minutes avec quelqu’un de la société Insor, en appelant à ce même numéro de téléphone, après beaucoup de tentatives infructueuses. Je n’ai jamais compris pourquoi ils ont été si difficiles à joindre pendant plusieurs semaines. On m’a alors confirmé, le plus tranquillement du monde, que les contrats d’assurance d’Insor comportent effectivement cette clause anti-DOM-TOM sur le lieu de résidence des garants, de manière systématique, pour « d’évidentes raisons visant à réduire le risque en cas de défaut du locataire », m’a-t-on assuré. Que des centaines de milliers de Français soient lésés par une telle disposition n’est qu’une conséquence regrettable de l’éloignement géographique de leur département d’origine, et c’est manifestement le cadet de leur souci. Allons bon, on ne fait pas d’omelette sans casser les oeufs. Et la loi républicaine dans tout ça ? La loi ? Ben voyons !

Quelques semaines plus tard, en novembre, je me suis fait voler mon téléphone portable, et avec lui j’ai perdu le message de Mme M. que j’avais conservé sur ma messagerie. C’était la preuve de la discrimination que j’avais subie. J’ai porté plainte au commissariat, et tenté de voir avec mon opérateur téléphonique s’il y avait moyen de récupérer le précieux contenu de ma messagerie. Malheureusement, cela n’a pas été possible. La preuve de mon préjudice avait disparu pour toujours. Jusqu’à ce moment fatidique, personne à la Licra ou à la Halde n’avait encore écouté ce fameux message. Il était donc perdu à jamais.

C’est la seule fois de ma vie que je me suis fait voler mon téléphone et jusqu’à présent, je ne suis pas sûr que cet incident soit un simple hasard… En fait je ne le crois pas du tout. Mais je ne pourrai jamais le prouver. Tant pis.

Quelques mois après ces événements, j’ai donc reçu le courrier de la Halde m’annonçant qu’ils abandonnaient la procédure faute de preuves. De plus, la Haute autorité renonçait à enquêter sur les agissements plus que douteux de cette société Insor, qui ne devaient pas être très compliqués à prouver. Justice ne me serait donc jamais rendue dans cette triste affaire.

Cet agent immobilier a bafoué mes droits de citoyen français, une fois de plus, comme la fois où, quelques années plus tôt, la Société générale m’avait refusé un emprunt étudiant pour la même raison : mes parents vivent aux colonies, voyez-vous.

Allons, jeune homme, si jamais vous veniez à faire défaut sur vos remboursements, comment pourrait-on faire descendre vos parents de leur cocotier et s’assurer qu’ils remplissent leur devoir de garants du prêt, hein? Passez donc votre chemin, et allez quémander ailleurs, petit Bamboula. Nous y’a pas prêter argent à toi. Et puis, pourquoi toi vouloir étudier avec ton petit cerveau de Noir? Toi y’en a rester au soleil et couper la canne à sucre.

Pourtant, la Société générale a aussi des succursales aux Antilles… Allez comprendre. À l’époque, jeune et impressionnable, j’avais essuyé ce refus incompréhensible, non pas dans une, mais dans deux agences de la « SoGé » en région parisienne, sans faire d’histoires, avant de m’adresser tout simplement à une autre banque plus respectable.

C’est une étrange sensation que de se voir traiter comme un citoyen au rabais dans son propre pays et de ne pas pouvoir obtenir justice. On peut avoir fait toutes les études qu’on veut, être bardé de diplômes, avoir un bon job, etc. il y aura toujours un moment où cela ne suffira pas, où on ne sera pas assez Français pour avoir les mêmes droits que ses concitoyens de la Métropole.

Pas étonnant que beaucoup d’Antillais ne se sentent pas Français à part entière, mais plutôt Français entièrement à part.

(*) – L’article 22.1 de la loi du 6 juillet 1989 précise qu’on ne peut refuser une location à quelqu’un au motif que le garant réside hors de France métropolitaine. C’est clair comme du bouillon de « Klöße », comme on dit en Allemagne.

Merci Légifrance.
Merci Légifrance.
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Commentaires

Mylène
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Si j'avais tenu un blog à mon arrivée à Paris il y a quelques années de cela, j'aurais pu raconter cette même histoire et beaucoup d'autres (y compris des cas de racisme encore bien plus directs que cela... ). Humiliation. Révolte. Colère. Oui, des sentiments bien connus et cette certitude qu'un long "combat" reste à mener... Navrant !

Berliniquais
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Cette histoire que je raconte s'est déroulée il y a 8 ans de cela... il n'est jamais trop tard pour vider son sac, surtout quand justice n'a pas été rendue. Alors je ne peux que t'encourager à t'épancher sur Mondoblog. Nos témoignages sont tout ce qu'il nous reste.

C'est une expérience, comme tu dis, extrêmement humiliante. D'ailleurs, en racontant cette mésaventure à mes amis martiniquais, je me suis rendu compte qu'ils sont tous passés par là. Tous! C'est l'évidence même de subir ce genre de situations pour des étudiants antillais.

Navrant, en effet!

Morille
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Moche.

Berliniquais
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Hélas. La vie, c'est pas une ferme à poneys.

Gonzague
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"Passez donc votre chemin, et allez quémander ailleurs, petit Bamboula. Nous y’a pas prêter argent à toi. Et puis, pourquoi toi vouloir étudier avec ton petit cerveau de Noir? Toi y’en a rester au soleil et couper la canne à sucre."

Si ces crétins avaient été au fait de l'économie mondiale, ils auraient pertinemment su que c’est avant tout le coton (et l’indigo dans une moindre mesure) qui a, de nos jours et dans nos colonies, une grande valeur ; la canne à sucre a depuis longtemps été remplacée, du moins sous nos latitudes, par la betterave. Cesse donc de geindre, l’ignorance de la Société Géniale en économie globale t’a sans doute évité des déboires en 2008 (Cf. Kerven)

Pour revenir sur ton histoire assez scandaleuse, une simple anecdote indirectement vécue et dépeignant l’institutionnalisation du racisme en France, la désinvolture face à celui-ci et la méfiance généralisée vis-à-vis du type, là, qui nous ressemble pas trop, sauf de loin et de nuit, mais de loin et de nuit ça peut être dangereux, fermez vos portes à double tour et achetez une nouvelle serrure chez Sûrvol, pour être sûrs contre les vols !

Mon épouse est du genre un peu franchement basané. J’entends par là que l’on peut sans grande peine s’imaginer que ses arrière-grands-parents n’étaient pas meuniers dans le Larzac, je les soupçonne même de ne pas savoir qui était Charles Maurras. Elle a reçu il y a quelques années de cela une bourse d’état dans le cadre d’un échange entre son université, allemande, et Sciences Po Bordeaux. Une bourse d’état pour une durée de 8 mois. Autrement dit son "salaire" relevait quasiment de l’émolument et, à moins que l’Allemagne eût la mauvaise idée de suivre l’exemple grec ou chypriote, elle était assurée –l’état Teuton (c’est pour l’allitération en T que je dis ça) étant donc le garant de la chose- de régler mensuellement son appartement.
Il lui fallut deux mois pour trouver un logement "à elle", en colocation toutefois, paperasse et argent à l’appui. Si je n’avais été là, j’aurais cru à une exagération de sa part, étant relativement et naturellement enclin à avoir confiance en la nature humaine. Mais j’ai vécu avec elle ces pénibles retournements de situation dans lesquelles les premiers contacts cordiaux (ah, vous venez d’Allemagne ! Très bien, RDV demain à 8h30. Je ne veux pas vous faire attendre !) étaient irrémédiablement suivis des mêmes "arguments" fallacieux (oui mais vous savez, hein, ce serait mieux d’avoir un garant en France…)

Bref, il y a quelque chose de pourri dans le royaume.

Berliniquais
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Une amie autrichienne, de bonne souche viennoise, qui, elle non plus, n'avait pas de bisaïeuls meuniers dans le Larzac (peut-être touchons-nous du doigt le nœud du problème en fait???), malgré son teint diaphane ses grands yeux noisette, a eu toutes les peines du monde à se trouver un logement à Paris car ses garants, bon bourgeois de la plaine du Danube, ne vivaient pas en France mais à Vienne. Les étrangers, même quand ils viennent de l'UE, sont donc concernés au premier chef par ces absurdes tracasseries.

Mais le cas de ton épouse est vraiment édifiant! Même avec une caution quasiment indexée sur l'étalon-or, on n'en voulait pas...

Effectivement, ça va loin là.

Parisjetaime
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Sans vouloir minimiser les discriminations encore bien trop présentes dans la société française, cet exemple ne me semble pas le plus parlant.
J'ai personnellement vécu le même enfer des attestations à n'en plus finir pour rassurer l'assurance anti-loyers impayés jusqu'à ce que l'agence nous demande d'éjecter un de nos colocataires du bail car ses parents ne gagnaient pas 3 fois le loyer total de toute la colocation. Ce qui le privait par la même occasion de toute aide sociale etc...
Bref tout ça pour dire que la politique de ces assurances est simplement une effarante politique du risque zéro qui se décline en de multiples exemples, celui du refus de garants dans les doms rejoint celui du refus d'un garant qui gagne moins que 9 fois la part de loyer de son fils. Il s'agit de lâcheté face à un marché saturé mais pas de racisme selon moi.

Berliniquais
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Bonjour Parisjetaime, merci pour cette intervention très enrichissante et instructive (et surtout, déprimante).

Je suis bien d'accord qu'il ne s'agit pas d'un problème de racisme ici. Je n'ai peut-être pas bien exprimé le fait que j'ai seulement parlé de "racisme" sous le coup du choc et de l'émotion au téléphone avec cette Mme M.. Mais par la suite, dans le reste de l'article, je ne parle plus de racisme. Je vois bien la différence. Mme M., qui manifestement était d'origine perse d'ailleurs, m'avait bien accueilli dans son agence et m'avait tout de suite trouvé un logement à visiter. Dans un vrai cas de racisme, je serais tout simplement tombé sur l'habituel "désolé monsieur, c'est déjà loué".

Donc je te rejoins tout à fait. J'ai eu un débat sur la page Facebook du blog avec un juriste, qui soutenait qu'il n'y a pas de "droit à l'assurance" donc les assurances font vraiment ce qu'elles veulent comme elles veulent. Elles peuvent donc inventer toutes sortes de clauses complètement bidons et foireuses. Le cas de ton colocataire est proprement scandaleux. Mais cela n'est malheureusement pas interdit par la loi, qui n'oblige pas un bailleur à louer son appartement même lorsque les garants gagnent 10 ou 15 fois ou 50 fois le montant du loyer du locataire.

En revanche, la loi française interdit très clairement à un bailleur de refuser une caution en raison du domicile du garant hors de France métropolitaine. Je remets l'article de loi ici, c'est le 22.1:

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069108&dateTexte=20080510

"Lorsqu'un cautionnement pour les sommes dont le locataire serait débiteur dans le cadre d'un contrat de location conclu en application du présent titre est exigé par le bailleur, celui-ci ne peut refuser la caution présentée au motif qu'elle ne possède pas la nationalité française ou qu'elle ne réside pas sur le territoire métropolitain."

On ne peut pas, en raison d'une interprétation fondamentaliste du "risque zéro", se soustraire à la loi républicaine et contraindre les parties contractantes à se soustraires à la loi. Une telle clause est donc juridiquement nulle. La loi date de 1989, pas d'avant-hier. Elle ne peut pas être inconnue des professionnels de l'immobilier. Ainsi, un agent immobilier qui se plie à ces contrats d'assurance illégaux se rend complice d'un délit. Si ces personnes avaient la moindre éthique (et si la loi les contrôlait mieux), elles respecteraient la loi au lieu de bafouer les droits des citoyens français originaires de l'Outre-mer.

Mon histoire n'est malheureusement pas une simple manifestation de ce monde de fous qu'est l'univers locatif à Paris, mais un symptôme d'un problème de discrimination visant les Français des DOM en France métropolitaine, malgré l'arsenal législatif censé empêcher ces problèmes.

Iman
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Et moi qui pensais que les antillais étaient mieux logés que les africains du fait que eux, ne viennent pas de parents immigrés !

Je suis française d'origine africaine, musulmane et avec un nom arabe. Bref, j'ai la poisse jusqu'au bout dans ce pays :D Je n'ai jamais été directement confrontée à la discrimination lors de mes recherches de logement. Peut-être parce que j'étais étudiante et en province?

A présent salariée en CDI à Paris, je n'ai nullement l'envie de me lancer dans une recherche de logement de peur m'en retrouver complètement déprimée. Et ton histoire n'arrange rien. C'est vraiment consternant...

Berliniquais
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Merci pour ta visite Iman. Je suis absolument certain, même si je ne pourrai jamais le prouver, que les Antillais sont mieux lotis que les Africains en France. Nous avons des noms français, nous ne sommes pas "contaminés" par la suspicion anti-musulmane, etc...

C'est tant mieux que tu n'aies jamais vécu de discrimination au logement! Ça montre que ce n'est pas nécessairement tout le monde qui doit subir ce calvaire. C'est une excellente nouvelle, très rassurante et réjouissante. J'espère que cela continuera ainsi.

Bonne continuation!

Tata Nat
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Et bien moi je dis qu'ils sont bien débiles de ne pas avoir retenu ta candidature: tes ti punchs valent 1000 fois plus qu'une nouvelle personne cautionnaire !!!
Plus sérieusement, a yeah, ce blog n'est plus le doublon de l'autre?! Bravo et bonne continuation! Tu dis quand tu es sur Berlin la prochaine fois :)
Des bises toussa toussa

Berliniquais
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La prochaine fois, je parlerai de mes ti-punchs dans mon dossier de location, là c'est sûr que toutes les portes s'ouvriront :-)

Bises à toi aussi et bon weekend!

PS: ouais t'as vu, je commence à en faire un blog autonome même si c'est pas évident de tenir deux blogs.

serge
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T'es un expatrié, tu finis tes etudes et tu découvres que t'es payé moins que tes collègues parce qu'ils sont blancs. Tous les ans les statistiques le confirment mais rien ne change

Berliniquais
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Ça c'est la situation au Brésil? Effectivement il y a pire qu'en France en matière de discrimination, c'est certain. Dommage que tu doives faire les frais de ces mentalités arriérées.

Courage!

Jackie Brown
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Merci la Halde. On voit à quel point elle était utile.
Et encore, toi, tu avais trouvé un boulot...

Berliniquais
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Eh ouais, justement!
Ce que doivent subir ceux qui n’ont pas de boulot, je n’ose l’imaginer.

Merci pour ta visite et pour ce commentaire!

LeDocteur
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Ce genre de personne donnait les Juifs en 40, mais jamais les coins a champignons, Puis, le 9 mai 1945, ils devenaient comme par magie des resistants de la première heure et juraient leurs grands Dieux que jamais il n'avaient collaboré, allant même jusqu'a jeter en prison des résistants !

Ce sont juste des peureux, des Obeissants au systeme qui s'empresseraient de crier leur amour de l'altérité si cela était un argument de vente fructueux ! Bref, ne rien attendre de bon de ceux la ! Ils n'auront jamais tort et retourneront toujours leur veste du bon coté !

D'ailleurs, ils ont tous un "ami noir", car ils ne sont pas racistes mais....
Et ils sont aussi très jaloux des aides sociales accordées aux plus démunis, qui devraient leur revenir, quand même ! PLutot qu'a ces faits néants qui ne se levent pas le matin pour aller chercher aller travailler.... mais pour en chercher et que si ils n'en trouvent pas, c'est qu'ils ne cherchent pas, voyons, c'est clair !

Bref, ils aiment bien Zidane, mais ils ne lisent pas Dumas ! Ils aiment bien Josephine baker et donnent des bananes a Taubira ! Ils aiment Miss france, mais faut qu'elle soit blanche !

Des idiots utiles, des moutons soumis, dociles et sans rebellion a part celle officialiée par le Systeme !

Il aiment pas : les noirs,les arabes, les provinciaux, les parigots du Nord et ceux du sud, ils haissent les neuneus, ils n'aiment pas les chalands des Halles et trouvent que les clodos devraient se laver et chercher du boulot tandis qu'ils se plaignent de la criiiiiise !! Bienvenue a Paname !

nathyk
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JM, ton récit me rappele que je dois raconter ma malheureuse aventure pour m'intégrer dans le monde médical en Afrique du Sud. Le monde est pathétique et les barrières sont bel et bien réelles. Courage !