Berliniquais

Athlètes volatilisés : la fuite des costauds

Au terme d’une semaine de compétitions sportives et de festivités culturelles, les VIIe Jeux de la Francophonie se sont achevés dimanche dernier, à Nice.

Outre un très inhabituel palmarès largement dominé, pour changer, par une France pourtant coutumière des profondeurs des tableaux des médailles des grands championnats internationaux (on sait donc enfin à quoi servent les Jeux de la Francophonie), l’événement a été marqué par une série de « fuites » ou, plus sobrement, de « disparitions » d’athlètes africains qui, ensorcelés par le chant des cigales sirènes de l’opulente Europe, ont profité de leur séjour en Côte d’Azur pour s’évanouir dans le maquis. Combien sont-ils exactement, à s’être volatilisés pendant la compétition ? Vingt-six ? « Une trentaine » ? Quarante-huit ? Les chiffres s’entrechoquent. Et les commentaires aussi, comme le relate en détail la blogueuse Sinath.

La délégation de la RDC lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux de la Francophonie, via AFP
La délégation de la République démocratique du Congo lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de la Francophonie, via AFP

À qui la faute ? Chacun y va de son diagnostic. Consternation face à « l’égoïsme » ou à la « naïveté » de ces sportifs qui ont pris la clé des champs de lavande après avoir touché leurs 1000 € de prime. Dépôt de plainte pour « kidnapping » de la délégation congolaise. Dénonciation véhémente de l’injustice du système des visas Schengen qui fait de l’Europe une terre inaccessible et quasi mythique aux yeux des jeunes Africains, prêts à tout pour conquérir cette imprenable forteresse. Critiques du « manque de fermeté » des fédérations sportives africaines, qui auraient pu éviter ces départs. Condamnation de la déliquescence de ces États-repoussoirs pour leur jeunesse prometteuse… Tous les points de vue ont été entendus sur cette saignée de sportifs subsahariens qui a fait couler beaucoup d’encre sur le continent noir et au-delà.

Je vois dans cette émigration massive de jeunes athlètes pleins d’avenir la manifestation de leur rêve de liberté et de leur espoir (appelé peut-être à être déçu) d’accomplir ce qui leur semble impossible dans leur pays d’origine. Faut-il vraiment s’en étonner ? Leur en vouloir ? Le phénomène, pour choquant et spectaculaire qu’il soit, n’a d’ailleurs rien de nouveau et ne se limite pas à l’Afrique.

Ainsi, tout au long de ses quatre décennies d’existence, l’ancienne Allemagne de l’Est a été confrontée elle aussi à la fuite de ses costauds, qu’elle tentait pourtant d’empêcher par tous les moyens. D’après le Ministère est-allemand pour la Sûreté de l’État (Ministerium für Staatssicherheit), plus connu sous le nom de Stasi, ce ne sont pas moins de 615 athlètes originaires de la RDA qui se sont réfugiés à l’Ouest en 40 ans, entre 1949 et 1989 ! Soit une moyenne de 15,4 athlètes par an (je tiens à ma décimale). Les chiffres exacts sont probablement bien plus élevés, d’ailleurs, selon certains historiens. Cet exode des jeunes champions a représenté une véritable hémorragie pour la petite nation socialiste de 16 millions d’habitants qui, rappelez-vous, investissait énormément dans le sport à des fins de propagande, choyait (et dopait allègrement) ses sportifs de haut niveau et récoltait des moissons de médailles dans toutes les compétitions internationales. Comme à Nice la semaine dernière, ce sont parfois des équipes entières qui ont pris la tangente, à l’instar du club de football SG Dresden-Friedrichstadt, vice-champion de RDA en 1950, qui s’éclipsa à l’Ouest comme un seul homme, tout juste un mois après la fin de la première saison de foot de l’histoire de l’Allemagne de l’Est.

Un nageur est-allemand, via Deutsche Welle. Le papillon prendra-t-il son envol vers la liberté?
Un nageur est-allemand, via Deutsche Welle. Le papillon prendra-t-il son envol vers la liberté ?

L’une des anecdotes les plus spectaculaires de défection à l’Ouest de sportifs est-allemands est sans doute celle du nageur Axel Mitbauer, en août 1969. À 19 ans, le jeune athlète déjà double champion de RDA aux 400 mètres nage libre, était pourtant promis à un bel avenir. Mais, accusé par la Stasi d’avoir sympathisé avec des athlètes ouest-allemands et d’avoir envisagé la fuite lors d’une compétition internationale à Budapest en 1968, le jeune homme subit de plein fouet la répression du régime puis la descente aux enfers : emprisonnement en cellule d’isolement pendant plusieurs semaines dans la prison de Hohenschönhausen de sinistre mémoire (immortalisée dans le film La Vie des autres), interminables séances d’interrogation et de torture, puis interdiction à vie de pratiquer la natation. Les perspectives sont alors bien sombres pour le jeune homme, exclu de l’université et désormais sous surveillance étroite de la police secrète. Pendant l’été 1969, le jeune champion réussit toutefois le pari impossible : après être parvenu à semer ses chaperons de la Stasi en sautant d’un train en marche, il gagna la côte et, la nuit tombée, plongea dans l’eau fraîche de la mer Baltique, le corps enduit de vaseline pour retarder l’hypothermie. Il parcourut environ 25 kilomètres à la nage, seul et dans l’obscurité totale, et finit par atteindre une bouée lumineuse dans la baie de Lübeck, où il s’agrippa plusieurs heures jusqu’au matin avant d’être enfin secouru par un ferry, après avoir passé environ dix heures dans l’eau froide. Le jeune homme a ainsi atteint, avec un indéniable panache, son objectif de fuir la RDA et de se réfugier à l’Ouest !

Axel Mitbauer en 2009 à Karlsruhe, via NZZ
Axel Mitbauer en 2009 à Karlsruhe, via NZZ

Si sa carrière ultérieure en RFA ne fut pas aussi exceptionnelle que ce qu’il avait peut-être espéré, Axel Mitbauer put au moins continuer à exercer sa passion, à étudier et, à 63 ans, il entraîne toujours des champions de natation à Karlsruhe.

Même si le contexte politique et économique de la RDC de 2013 n’a rien à voir avec celui de cette autre République démocratique, l’allemande, de 1969, voilà à quoi me font penser ces désertions massives de basketteuses congolaises, de lutteurs ivoiriens, de cyclistes djiboutiens et de quelques autres la semaine passée à Nice. Je ne peux pas approuver que l’on transgresse les lois de ma République, mais qui suis-je pour condamner ces jeunes pleins de talent et d’ambition, persuadés que leur chance est ailleurs ? Ils croient qu’une vie meilleure les attend en Europe, et sont prêts à tout risquer pour se faire une place au soleil, comme d’autres avant eux. La bonne nouvelle pour nos fuyards, c’est que le soleil, précisément, brille ô combien plus généreusement à Nice qu’à Lübeck. C’est déjà ça de pris.


Mariage homosexuel célébré dans une église allemande : des réponses du clergé protestant (2/2)

Le Dr. Volker Jastrzembski, via EKBO
Le Dr. Volker Jastrzembski, via EKBO

Suite et fin de l’entretien avec le Dr Volker Jastrzembski, porte-parole de l’Église régionale évangélique de Berlin, Brandebourg et Haute-Lusace silésienne (EKBO).

LA SAXE AU BORD DU SCHISME

6. Berliniquais : En France, le débat autour du mariage civil pour les couples du même sexe a été émaillé de polémiques, d’invectives et même de violences. La Fédération protestante s’est exprimée en termes prudents, mais sans ambiguïté en défaveur du mariage homosexuel. Comment le débat se déroule-t-il au sein de l’Église protestante allemande ? Ce thème est-il particulièrement sujet à controverse ? Comment réagissent les paroisses les plus conservatrices? Pourquoi les grandes villes allemandes n’offrent-elles pas le spectacle de manifestations de grande ampleur comme en France?

Dr. Volker Jastrzembski : Eh bien… pour ce qui est du débat au sein de l’EKD, il y a la controverse relative à la place faite au mariage traditionnel dans le Familiendenkschrift. Évidemment, ces critiques sont tout aussi valables à propos de la démarche de l’Église régionale de Hesse-Nassau, et elles ne lui ont pas été épargnées. En fait, l’issue du débat au sein de l’Église est encore incertaine. Bien entendu, les paroisses de tradition conservatrice prêchent la supériorité de l’union entre un homme et une femme et se fondent sur la Bible. Cependant, un courant d’interprétation des Écritures suggère que ce modèle absolu du couple homme-femme et la condamnation biblique de l’homosexualité ne sont en réalité que la résultante de la culture du peuple hébreu, qui assimilait les relations aimantes entre hommes ou entre femmes à de la promiscuité ou de la pédérastie. La Bible est empreinte de son contexte culturel. De sorte que le rejet biblique de l’homosexualité ne s’applique pas aux couples de même sexe d’aujourd’hui. Mais une fois ces arguments posés, qu’en faisons-nous? Le débat se poursuit encore. Chez nous, à l’Église régionale de Berlin, nous avons des pasteurs et des paroisses qui refusent de bénir les unions homosexuelles. C’est leur droit, et on ne peut pas les y contraindre. Je crois que nous nous dirigeons vers un équilibre de ce type, à terme.

Le siège épiscopal de l'Église régionale de Berlin-Brandebourg, à l'église St-Georges
Le siège épiscopal de l’Église régionale de Berlin-Brandebourg, à l’église St-Georges, le 29 août 2013. Photo: Berliniquais.

Pour ce qui est de l’absence de manifs de grande ampleur, ma foi, je dirais que c’est le résultat d’une certaine tolérance, d’une vision plus libérale de la société. Il semble que l’on soit moins enclin, en Allemagne, à s’exciter et à protester en masse sur ce thème. Ceci dit, il existe ponctuellement des poches de résistance très forte au mariage homosexuel. L’Église régionale de Saxe, par exemple, est au bord du schisme précisément à cause de ce débat. Plusieurs paroisses ont signifié catégoriquement à leur évêque qu’elles n’acceptent pas les règles en cours de préparation. Chez nous, dans la région de Berlin, ce débat n’enflamme guère les foules, c’est le moins que l’on puisse dire.

7. Berliniquais : Quel est le principal argument des Églises régionales les plus conservatrices contre le mariage homosexuel ? A contrario, quel est l’argument le plus significatif de l’Église de Hesse-Nassau en faveur du mariage pour les couples de même sexe ?

Dr. Volker Jastrzembski : Après notre discussion, on peut résumer cela rapidement. Pour les églises conservatrices, le rejet du mariage homosexuel se fonde sur les Écritures bibliques, qui condamnent explicitement l’homosexualité et la qualifient de péché. La position des églises comme celle de Hesse-Nassau ou celle de Berlin-Brandebourg, est que les constats bibliques ne correspondent pas à la réalité des couples homosexuels d’aujourd’hui. Par ailleurs, sur le plan théologique, l’amour de Dieu est le même pour tous. Dès lors que deux êtres s’aiment et se comportent avec fidélité et dignité, il n’y a pas de raison que Dieu les condamne.

DES SIÈCLES DE DIVERGENCES THÉOLOGIQUES

8. Berliniquais : Très intéressant pour le catholique que je suis… Alors justement, la relation entre l’EKD et l’Église catholique joue-t-elle un quelconque rôle dans cette discussion, comme j’ai pu le lire par endroits ?

Dr. Volker Jastrzembski : Oui, cela joue un rôle. Par exemple, l’Église catholique elle aussi a fermement condamné les thèses libérales de la Familiendenkschrift. Nous sommes habitués à débattre entre catholiques et protestants. Cependant, après des siècles de divergences théologiques, il est clair que nous n’avons pas la même vision de la famille. Pour nous, le mariage n’est pas un sacrement, mais une institution humaine, séculière. Par conséquent, il est normal que nous ne placions pas le mariage religieux au même niveau d’importance que l’Église catholique. Cette distinction n’a rien de nouveau, elle remonte à la Réforme protestante.

9. Berliniquais : En cette année électorale, où la thématique du mariage homosexuel a été abordée, ou du moins celle de l’extension aux couples homosexuels des avantages fiscaux réservés aux couples mariés, est-il permis d’interpréter de manière politique cette initiative de l’Église de Hesse-Nassau ?

Dr. Volker Jastrzembski : C’est amusant ce que vous dites là. Pour moi ces questions du mariage homosexuel ou des abattements fiscaux ne sont pas du tout des sujets de campagne. (En juin dernier, le Tribunal fédéral constitutionnel a statué que les couples homosexuels en partenariat civil doivent bénéficier des mêmes avantages fiscaux que les couples mariés, et le parti social-démocrate propose l’introduction du mariage gay dans son programme de campagne, NDLR.) Le « mariage » célébré à Seligenstadt a bien sûr indirectement une petite dimension politique, mais il ne faut pas imaginer que c’était une sommation à l’État pour qu’il agisse, ou une exhortation quelque chose comme ça. Il n’est pas inhabituel que des discussions d’ordre théologique aient des conséquences politiques.

EKD: carte des églises régionales et nombre de membres en millions. Jusqu'en 2010, il y avait 22 "Landeskirchen".
Infographie : Les Églises régionales protestantes en Allemagne et le nombre de membres en millions. Les cinq principales Églises sont celles de Hanovre, de Rhénanie, de Bavière, de Westphalie et du Württemberg, avec entre 2 et 3 millions de membres chacune. Jusqu’en 2010, il y avait 22 « Landeskirchen »: les trois Églises historiques des rives de la Baltique (Nordelbien, Mecklembourg et Poméranie) ont alors fusionné pour former la Nordkirche. Source: EKD

10. Berliniquais : Dernière question, sans rapport avec le sujet, mais passionnante pour nous les Français installés en Allemagne. Comment l’Église protestante allemande se positionne-t-elle sur la question de l’impôt religieux ? Est-elle du même avis que le clergé catholique, qui a statué récemment que quiconque ne paye pas l’impôt doit quitter l’Église ?

Dr. Volker Jastrzembski : Pour simplifier, les Églises régionales protestantes, au même titre que l’Église catholique ou que la communauté juive, sont habilitées à collecter un impôt religieux. ll ne s’agit pas à proprement parler d’un privilège ecclésiastique, car certains autres organismes bénéficient du droit, prévu par la Constitution, d’être financés par l’impôt. En l’occurrence, il est vrai que l’appartenance à l’Église implique le devoir de participer solidairement à son financement. Le montant de l’impôt religieux est calculé en fonction du revenu de chaque membre. Ceux qui ont un petit revenu en sont dispensés. Donc en fait la question déterminante n’est pas de payer l’impôt ou pas, mais d’être membre ou pas de l’Église. Dès lors qu’une personne quitte la structure de l’Église, elle se voit dispensée de l’impôt religieux. Elle peut bien sûr continuer à se considérer comme chrétienne, mais en tant que non-membre de l’organisation, elle ne pourra pas prétendre à des prestations comme un mariage à l’église ou de funérailles religieuses.

11. Berliniquais: Nous sommes arrivés au bout de cet entretien. Mais il nous reste la question bonus. Si Jésus-Christ revenait demain, quel message porterait-il à l’Humanité ?

Dr. Volker Jastrzembski : (Rires). Un message de réconciliation. Que les hommes cessent enfin de se déchirer et fassent la paix. Partout.

Berliniquais : Herr Doktor Jastrzembski, je vous remercie.

Interview complète, en allemand, à écouter sur Soundcloud (34 minutes) :

CONCLUSION PERSONNELLE

Les mariés de Seligenstadt, Christoph et Rüdiger Zimmermann, sont ensemble depuis plus de dix ans et ont élevé ensemble un enfant, le fils de Rüdiger, resté avec son père après le divorce de ses parents. J’ignore pourquoi la mère n’a pas eu la garde l’enfant. Mais le jeune homme, aujourd’hui âgé de 18 ans, semble en parfaite santé, comme toute personne ayant grandi dans un foyer heureux. Il a porté les alliances pendant une cérémonie de mariage présidée par une femme pasteur, Leonie Krauss-Buck, détail supplémentaire qui souligne encore davantage, si cela était encore nécessaire, le contraste flagrant entre le progressisme protestant et l’immobilisme du dogme catholique.

Ces derniers mois, la principale occupation des catholiques français a été de manifester contre le droit des homosexuels à se marier civilement, même après le vote de la loi républicaine au Parlement. À la lumière de cette discussion particulièrement enrichissante et intellectuellement passionnante avec un homme d’église sur des questions de mariage religieux, un théologien plein d’intelligence et de compassion qui préfère utiliser son cerveau plutôt qu’agiter des pancartes roses pleines de peur et de vide, je suis moins que jamais disposé à comprendre les gesticulations des imposteurs de la Manif pour tous. La bonne nouvelle, c’est qu’on en a fini avec eux. Maintenant, comme l’a dit le pasteur, il ne nous reste plus qu’à nous réconcilier…

Une affiche de la Manif pour tous caricature Mme Taubira en King Kong. De mauvais goût ? Limite raciste ? Photo Huffington Post
Une affiche de la Manif pour tous caricature Mme Taubira en King Kong. En plus ils sont d’un goût exquis, ces jeunes gens de bonne famille… Photo Huffington Post


Mariage homosexuel célébré dans une église allemande : des réponses du clergé protestant (1/2)

En célébrant religieusement une union homosexuelle en la paroisse protestante de la petite ville de Seligenstadt près de Francfort-sur-le-Main, l’Église évangélique de Hesse-Nassau, l’une des vingt Églises régionales autonomes regroupées au sein de l’Evangelische Kirche in Deutschland (EKD), a créé la surprise en Allemagne et en Europe le 11 août dernier.

En effet, le mariage homosexuel n’existe pas en Allemagne, où les seules unions matrimoniales officiellement reconnues sont les mariages civils, réservés aux couples hétérosexuels. Depuis 2001, les couples de même sexe résidant en Allemagne ont la possibilité de faire reconnaître civilement leur union dans le cadre d’une eingetragene Lebenspartnerschaft ou « contrat de communauté de vie », qui leur accorde certains droits, à l’exception notable des avantages fiscaux et de la possibilité d’adopter, deux privilèges réservés aux seuls couples hétérosexuels mariés. Un mariage homosexuel n’est pas à l’ordre du jour et ne figure pas au programme du parti politique de Mme Merkel, archi-favorite en cette année électorale.

Christoph et Rüdiger Zimmerman se sont mariés le 11 août 2013 en la paroisse de Seligenstadt. Photo evangelisch.de
Christoph et Rüdiger Zimmerman se sont mariés le 11 août 2013 en la paroisse de Seligenstadt, en Hesse. Photo: evangelisch.de

Je m’attendais donc à un véritable tollé, à une levée de boucliers suite à cet événement survenu au sein d’une Église protestante qui revendique tout de même 24 millions de pratiquants, soit 30% de la population allemande. Il y a bien eu quelques grincements de dents, mais étonnamment, dans la langueur estivale, cet énorme pavé dans la mare n’a guère fait de vagues. Les médias francophones qui ont relayé la nouvelle du mariage de Christoph et Rüdiger Zimmermann se sont tous contentés de recopier strictement la même dépêche AFP qui, en quatre paragraphes laconiques, soulevait bien plus de questions qu’elle n’apportait de réponses. Quelle est la valeur légale de ce mariage? Quels sont les enjeux pour l’église protestante allemande, à première vue très divisée sur la question? Comment réagit la société allemande en général? Aucun de ces thèmes n’étant abordés dans la presse française, j’ai décidé de faire mien l’adage « aide-toi et le Ciel t’aidera » et d’aller moi-même, la casquette de Mondoblogueur vissée sur le crâne, interroger la hiérarchie de l’Église autonome protestante de la région de Berlin-Brandebourg-Haute Lusace Silésienne (EKBO).

Le pasteur Volker Jastrzembski, docteur en théologie et porte-parole de l’Église régionale berlinoise, ayant aimablement accepté de convenir d’un rendez-vous pour répondre à mes questions, je disposais d’une semaine pour préparer une interview, m’exercer à articuler correctement le nom de mon interlocuteur, habituer ma bouche réfractaire à prononcer en un souffle des mots barbares comme gleichgeschlechtlich (« de même sexe »), et surtout, négocier la chausse-trape ultra-classique de la subtile distinction phonétique entre Kirche (« église ») et Kirsche, qui veut dire « cerise ». Le jour J, mes laborieux exercices de diction ne m’ont pas été d’un grand secours, mais le pasteur Jastrzembski, plein de compassion et animé de charité chrétienne, ne m’a même pas ri au nez, bien que j’aie piteusement écorché son patronyme prodigieusement riche en consonnes et systématiquement parlé de « cerises évangéliques ». Voici un compte-rendu de notre entretien, enregistré le jeudi 29 août au siège épiscopal de l’Evangelische Kirche Berlin Brandenburg schlesische Oberlausitz (EKBO).

« UN MALENTENDU »

Dr. Volker Jastrzembski, via EKBO
Dr. Volker Jastrzembski, via EKBO

1. Berliniquais : Herr Doktor Jastrzembski, il y a deux semaines, le public francophone a appris cette nouvelle sensationnelle: un couple homosexuel bavarois s’est marié religieusement dans une église évangélique en Hesse. Pourtant, en Allemagne, les couples de même sexe ne peuvent officialiser que des partenariats civils et n’ont pas la possibilté de se marier. Par conséquent, comment ce mariage religieux a-t-il été légalement possible?

Dr. Volker Jastrzembski : C’est le premier malentendu dans cette histoire. L’Église évangélique de Hesse-Nassau n’a pas célébré de mariage religieux homosexuel à proprement parler. Il s’agit en réalité de la bénédiction d’une union homosexuelle qui, à la différence des unions bénies par l’Église jusqu’à ce jour, sera actée en droit religieux et inscrite au registre paroissial de la Hesse-Nassau.

MARIAGE CIVIL VS. MARIAGE RELIGIEUX

2. Berliniquais : Ah bon ? C’est fou. Tous les médias français ou allemands parlent pourtant copieusement de « mariage religieux », de « kirchliche Trauung » ou encore « Ehe ».

Dr. Volker Jastrzembski : C’est vrai, ces mots ont été employés à la légère, et au bout du compte ce sont des affirmations inexactes. Les couples homosexuels unis civilement ont depuis quelques années la possibilité de faire bénir leur union dans plusieurs Églises autonomes allemandes, aussi bien en Hesse-Nassau qu’ici à Berlin-Brandebourg-Haute Lusace. La différence, c’est que l’Église régionale de Berlin, et les autres Landeskirchen, n’inscrivent pas ces bénédictions dans leurs registres paroissiaux. Cet été, l’Église autonome de Hesse-Nassau a simplement décidé que dorénavant, elle homologuera officiellement ces unions dans ses registres, au même titre que les mariages traditionnels.

3. Berliniquais : Le couple formé par Christoph et Rüdiger Zimmermann n’est pas marié civilement. En Belgique et en Suisse, il est formellement interdit de célébrer religieusement une union antérieurement au mariage civil. En France, une telle démarche est même un délit passible, pour le ministre du culte, de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende. Est-ce également le cas en Allemagne?

Dr. Volker Jastrzembski : En théorie, il est possible en Allemagne de se marier religieusement sans être marié civilement. L’obligation de l’antériorité du mariage civil, qui existait ici comme dans les pays voisins, a été supprimée par le législateur cette année ou l’an dernier il me semble (NDLR: cela remonte au 1er janvier 2009). Cependant, l’Église protestante allemande (EKD) a décidé de continuer à exiger des couples candidats au mariage religieux une preuve de leur mariage civil. La raison de cette décision est de nous assurer que nous célébrons des mariages reconnus par la loi, avec toutes les conséquences juridiques qui en découlent. Sinon, par exemple, que ferions-nous en cas de séparation des époux ? Il serait trop complexe de reconnaître religieusement des mariages dépourvus de base légale, donc nous ne le faisons pas. Et en l’occurrence, je le rappelle, la cérémonie de Seligenstadt n’était pas un mariage, mais une bénédiction officialisée dans les registres paroissiaux, donc là encore il n’y a pas de problème d’antériorité du mariage civil.

« DIFFÉRENCE MINIME »

4. Berliniquais : Je vois. Mais puisque nous y revenons, quelle est la différence, pour l’EKD, entre un mariage au sens strict (kirchliche Trauung) qui, si je comprends bien, reste réservé aux couples traditionnels hétérosexuels, et cette nouvelle forme de « bénédiction » homologuée au registre (beurkundete Segnung), qualifiée de « mariage » dans tous les médias ?

Dr. Volker Jastrzembski : La distinction est essentiellement d’ordre théologique, et il est vrai que dans la réalité de la vie courante, hors de l’Église, la différence entre les deux est minime et tend à s’amenuiser toujours plus jusqu’à devenir complètement imperceptible. Il n’est pas rare que les couples homosexuels auxquels nous accordons notre bénédiction parlent de « mariage ». Au sein de l’Église, les thèses centrales exposées dans le Familiendenkschrift (livre de référence publié en juin 2013 par l’Église évangélique allemande sur les thèmes de la famille) ont été vivement critiquées par des membres éminents de l’EKD, arguant que le livre ne faisait pas au mariage traditionnel la place qui lui revient. Les thèses du Familiendenkschrift reconnaissent officiellement les bouleversements de la famille traditionnelle et l’évolution du cadre légal. Elles décrivent et acceptent la diversité de modèles familiaux de la société contemporaine, ce qui leur a valu la désapprobation des théologiens favorables à la reconnaissance du rôle central du mariage homme-femme comme noyau de la famille et de la société. Cette position se fonde dans la tradition d’exégèse des textes bibliques. Mais il est possible que, la société et la législation évoluant vers une toujours plus grande reconnaissance des couples de même sexe, nous soyons amenés, à l’Église régionale de Berlin, à concilier toujours plus les aspects séculaires et religieux de ces unions homosexuelles, de sorte qu’à terme il n’y aura plus vraiment de différence avec le mariage traditionnel. Ceci dit, pour l’instant cette évolution n’est pas à l’ordre du jour à l’EKBO.

Les 20 Églises régionales protestantes ont des racines anciennes. Leurs frontières ne correspondent pas à celles des Länder actuels. Source: EKD.
Les 20 Églises régionales protestantes ont des racines anciennes. Leurs frontières ne correspondent pas à celles, en trait bleu, des Länder actuels. Source: EKD.

5. Berliniquais : Entre les vingt Églises régionales protestantes qui constituent l’EKD, la situation varie grandement en matière d’intégration des couples de même sexe. Le quotidien Tageszeitung vient de rappeler que la plus grande Landeskirche allemande, celle de Hanovre, refuse de bénir les unions civiles homosexuelles, tandis que 14 des 20 Églises régionales autonomes le font depuis des années. Suite à la cérémonie de Seligenstadt, des Landeskirchen importantes comme celle de Bavière, de Westphalie ou du Württemberg, ont d’ores et déjà pris leurs distances et annoncé qu’elles ne franchiront pas l’étape de l’inscription aux registres paroissiaux de ce type d’union. De toute évidence, l’Église évangélique d’Allemagne refuse de trancher à l’échelle nationale. Ainsi, MM. Christoph et Rüdiger Zimmermann, qui vivent à Aschaffenburg, en Bavière, ont dû aller en Hesse-Nassau pour se marier. C’est une situation qui peut sembler troublante. Les chrétiens ne sont-ils plus égaux devant Dieu ? Une telle diversité de statuts peut-elle perdurer au sein de l’EKD ?

Dr. Volker Jastrzembski : Rappelons que l’EKD n’est pas une Église à proprement parler, mais en réalité une fédération d’Églises. Chacune des vingt Landeskirchen régionales qui constituent cette fédération est complètement autonome, dotée d’une Constitution qui lui est propre, et compétente pour définir ses lois. De plus, à cette organisation territoriale se superposent les diverses dénominations religieuses : églises luthériennes, églises unies, églises réformées, qui n’ont pas la même sensibilité théologique. Il est donc tout à fait normal que les lois et statuts varient énormément d’une région à l’autre. Par exemple, les Luthériens sont plus stricts, plus traditionnalistes en matière de lecture et d’interprétation de la Bible. Or, ils sont prédominants à Hanovre et en Bavière, ce qui explique que ces Églises régionales soient plus conservatrices. En Hesse-Nassau, en revanche, l’Église unie, de tradition plus réformatrice, a davantage de poids. L’EKD n’a pas vocation à diriger les Églises régionales ni les différents courants religieux comme une autorité centrale.

Vue sur la Zionskirche, dans le quartier de Berlin-Mitte.
Une église protestante emblématique : la Zionskirche, dans le quartier de Berlin-Mitte, photographiée en juillet 2013 (Berliniquais).

Fin de la première moitié de l’interview. À suivre ici.


Journée mondiale du blog : 13 Mondoblogueurs de 10 pays témoignent

Le 31 août 2013 marque la Journée mondiale du blog. Depuis quelques années, des personnes de toutes les sphères font appel à ce moyen de communication, devenu incontournable pour communiquer, dialoguer, présenter leurs produits… Les Mondoblogueurs ont décidé d’immortaliser cette journée de la manière la plus simple possible, en répondant à la question suivante : que représente le blogging pour vous ? Ce billet, organisé à l’initiative du Centrafricain Baba Mahamat, livre les points de vue de 13 membres de la communauté de RFI Mondoblog.

Photo Mondoblog.

Photo Mondoblog.

Limoune, Tunisie

Dernièrement, j’entendais un étudiant de l’école nationale de journalisme de Tunis s’insurger de l’inutilité du blog après la révolution. Un futur journaliste contre le blogging. Contre la diversité des points de vue rendue possible par Internet et la levée de la censure. Le blogging pour moi, c’est le bouleversement du schéma traditionnel de l’information, la fin du monopole des médias, la possibilité donnée à chaque citoyen d’avoir son mot à dire dans l’espace public.

Salma Amadore, Cameroun

Le blogging pour moi représente une activité qui me permet d’exercer le journalisme que j’ai toujours voulu, celui qui part des faits et des expériences des gens pour parler d’un sujet. Tenir un blog me permet de m’exprimer comme je veux, sans trop de sévérité. Pour moi qui ai l’expérience des rédactions, j’ai été très frustrée des fois de devoir réécrire ou mettre aux oubliettes un article à cause « de la ligne éditoriale » du journal. En bloguant, je suis libre, je suis moi, je suis l’autre qui me lis et veut aussi me dire sa part de réalité. Loin de la routine des autres canaux d’information qui nous plongent dans la routine avec des mêmes personnalités, les mêmes stars, le blog est proche de l’homme ordinaire, c’est l’homme ordinaire qui est au centre du blog, celui qui veut s’exprimer et ne le peut pas dans les chaines officielles, trouve dans le blogging, le moyen de s’exprimer, d’échanger et de s’enrichir de nouvelles connaissances.

Baba Mahamat, Centrafrique

Il ne fait aucun doute, le blogging a inévitablement changé la face du monde. Le blogging est devenu une forme d’expression très prisée par des personnes et structures dans divers domaines. Il permet d’échanger avec les lecteurs qui sont participent à son animation. Il y a dans le blogging, l’esprit de mettre les lecteurs au centre en interagissant avec eux grâce à des commentaires autres formes de partage. Ce qui le rend différent du média traditionnel est le fait que n’importe qui peut tenir un blog et ce, sans une formation préalable contrairement au journalisme par exemple. Une manière de communiquer est née grâce au blog, le journalisme citoyen. En Centrafrique où les événements ont comlètement  bouleversé la vie de paisibles citoyens, bloguer me permet de brosser la situation extrêmement difficile que vivent mes citoyens et en profiter pour dénoncer une tragédie oubliée par la communauté internationale, qui aurait pu être évité si l’intérêt du peuple était au centre des préoccupations au détriment des considérations personnelles.

Josiane Kouagheu, Cameroun

Bloguer pour moi, c’est tout simplement être moi. Ecrire pour dénoncer et interpeller, sans mensonge et sans maquillage.

Osman Jérôme, Haïti

Sans trop de crânerie, je dirais que, le blogging est pour moi, ce que la raison est pour le philosophe. Car cela me permet de pénétrer  la profondeur de la réalité quotidienne de mon pays. Réalité que j’essaie de parler sur mes blogs avec un ton un peu différent des médias classiques.

Depuis le jour que j’ai commencé à bloguer pour de vrai, je ressens  que, quelque chose a changé en moi en tant que citoyen. Après plus de deux ans de d’activité, désormais, je me sens plus engagé, plus concerné dans la lutte de la nouvelle Haïti, dont je suis un fanatique.

Mylène Colmar, Guadeloupe

Lancer un blog, écrire un billet, puis un autre, et encore un autre, en veillant à se renouveler, à livrer des informations (de son point de vue) intéressantes, à garder un œil critique. Animer un blog, lire les commentaires des lecteurs, se réjouir des compliments, répondre aux questions, défendre son point de vue et faire entendre sa voix. Tenir un blog, avec difficulté, parfois, avec plaisir, souvent, avec sincérité, toujours.

Pascaline, France

« Deux ans. Voilà deux ans que j’écris et que le blogging à pris une place de plus en plus importante dans ma vie. C’était d’abord une distraction, un moyen pour moi de prolonger mes écrits universitaires d’une manière beaucoup plus ludique, en racontant et en vivant de belles sorties culturelles. Puis, c’est aussi devenu un moyen de compter ma vision du monde, mes voyages, mes passions tout en réfléchissant au regard que je portais dessus, en le déconstruisant. Aujourd’hui, c’est devenu un biais indispensable par lequel je développe ma pensée, mes idées, en les confrontant aux lecteurs. Leurs réactions me font avancer, réfléchir, remettre en question dans mon écriture mais aussi dans cette vision du monde. Indispensable donc, pour demeurer une « femme qui interroge ».

Aurore, Allemagne

Le blogging ou la valise 2.0.

Bloguer, c’est plier, empiler et ordonner au fond d’une valise virtuelle et planétaire des souvenirs, des avis, des incertitudes, des débats, des rencontres, des tous et des riens, des pleins et des vides, du futile, du sérieux, des histoires, de la poésie, des coups de gueule, des coups de joie, des injustices, des dénonciations, des déceptions, des messes basses, des combats, des confidences, des incertitudes, des Révolutions…

Serge de Souza, Bénin

Blogueur par passion

C’est à la faveur d’un stage en médias et démocratie à Copenhague au Danemark en octobre-novembre 2010 que je me suis essayé au bloging. Ma passion pour le web journalisme me  permettra plus tard d’intégrer la deuxième édition de Mondoblog où, grâce à un encadrement judicieux, j’ai pu véritablement apprendre le b, a, ba, les contraintes et les exigences du blogging et de la publication en ligne.

Après la formation MondoblogDakar 2013, je revisite régulièrement mes connaissances à l’aune des innovations majeures, des mutations et des nouveaux développements du secteur médiatique, au jour le jour en tant que blogueur.

Aussi, pour moi, le blogging est une manière d’être, une forme d’expression parmi tant d’autres et pourquoi pas, un formidable espace d’échange, de partage.

Ladji Sirabada, Côte d’Ivoire

Mon blog, mes amis, le monde, la chaleur…

Parce que je blogue, j’appartiens à une communauté qui écrit et qui crie, qui saupoudre et qui fustige; une communauté qui arrange et souvent dérange, qui chante tout en interpellant, qui enseigne et renseigne, qui appelle et interpelle, qui éduque, distrait, et s’occupe…

Parce que je blogue, je convoque bon gré, mal gré une communauté qui se renseigne ou enseigne, qui partage ou s’enferme, qui se satisfait ou se plaint de, qui encourage ou insulte, qui consomme sans ou avec modération, qui dit merci ou merde, qui félicite ou blâme…

D’un coté ou d’un autre, en bloguant, je me mets à la croisée de plusieurs chemins. Chemins de confrères. Chemins de lecteurs. En bloguant, je partage mon monde ou ce qu’il y a à partager pour ne point me sentir seul.

Mon histoire du blog, commence avec la neige. Le blanc qui tombe et qui plonge le noir dans le lointain souvenir de la chaleur des terres ancestrales  et des miens.

En tombant, en m’enfermant dans un univers que je qualifiais  »aussi d’exotique », le blanc, m’a offert des pages blanches à remplir, m’invitant à me soustraire de la solitude, du dépaysement, d’un monde dans lequel, je me suis retrouvé, par concours de circonstance divine.

Mon blog fut, mon bois de chauffe. Il fut la vitrine de présentation de mon nouveau monde…

A chacun, je souhaite une expérience de blogging…pour un monde plus ouvert, sans barrière et avec beaucoup de chaleur…

Je bloggue; bloguons donc, puisque c’est la ten-dance.

Nelson Deshommes, Haïti

C’est une phrase magique qui a ouvert mes yeux sur le monde du blogging: « La beauté de l’internet c’est qu’on apprend en marchant ». Et dépuis lors, je fais de ce slogan ma principale source de motivation. En effet, le blogging est pour moi un centre d’apprentissage. Il m’est aussi un moyen de peaufiner mon écriture, et surtout d’apporter ma contribution dans la présentation d’une autre Haïti aux yeux du monde. Dorénavant, un blog est un instrument de communication où chacun peut placer son mot sur le dévenir de notre planète. Maintenant avec un blog, n’importe qui peut marquer d’une autre manière et de façon indélébile son passage dans ce monde.

Berliniquais, Martinique 

Pour moi, le blogging, c’est ma deuxième grande passion. Comme chacun sait, ce que j’adore par-dessus tout, c’est de chanter sous la douche. Mais malheureusement, quand je chante sous la douche, il n’y a personne pour m’écouter. C’est triste à mourir. En revanche, lorsque j’écris dans mon blog, le monde entier peut lire mes humeurs. Donc pour moi, écrire un blog, c’est un peu comme chanter sous la douche devant un large public ébahi d’admiration. Quel bonheur!

Boubacar Sangaré, Mali

Parlons du blogging mais pas pour y consacrer un billet qui appelle, comme chacun le sait, chaque fois un sérieux et une application énormes. Il est tout simplement question de livrer son point de vue sur ce phénomène dont la fièvre a saisi le monde, singulièrement dans sa composante jeune.

Alors, c’est un avis très personnel que je vais livrer. Quand on me parle du blogging, je ne peux pas ne pas penser à dire que, dans un monde qui se débat dans l’entonnoir des crises politiques, économiques voire sociales, tenir un blog ne peut qu’offrir une possibilité de calmer la soif de s’exprimer qu’éprouvent des millions de femmes et d’hommes repartis dans tous les pays. Et surtout à un moment où les idées sont l’arme privilégiée dans la « guerre des places » qui oppose d’abord les grandes puissances, et accessoirement toutes les nations. Ainsi, le blog, en tant que site personnel, donne l’opportunité de prendre part à ce concert des idées qui animent le monde.

Pour le petit et modeste journaliste que je suis, qui tient un blog depuis bientôt une année, le blogging a été un espace où il défend ses convictions, sa position sur un sujet qui fait ou non la Une de l’actualité locale ou d’ailleurs. Et ce qui a le plus éveillé mon intérêt pour cette activité, c’est le droit à la subjectivité dont jouit le blogueur. Le droit de dire son ressenti du moment et ses impressions propres. Ecrire à la première personne du singulier (je) une analyse dans laquelle se retrouveront beaucoup de lecteurs, me parait plus responsable  que l’emploi du « Nous » que le journalisme trouve objectif, mais qui me semble manquer de sérieux. C’est aussi indiquer que le blogging est un espace, aussi grand que le rêve. C’est, bref, un déversoir !


L’indigeste yaourt des libéraux et des néo-nazis en campagne

Alors que la campagne électorale la plus ennuyeuse de l’après-guerre, au dire des médias allemands unanimes, bat son plein à coup d’insipides slogans, de promesses creuses et de formules sans audace placardés en 4×3 aux quatre coins du pays, sur des affiches aux motifs aussi lisses que fadasses, alors que même les partis extrémistes, pourtant coutumiers des pires outrances, ont décidé de mettre de l’eau dans leur bière pour ratisser un plus large public, et que les Teutons s’apprêtent donc, faute de mieux, à réélire leur Chancelière préférée sans même interrompre leur sieste estivale, un petit bijou, un gros bide marketing vient de nous être révélé par la «Kreativagentur» Die Wegmeister, une petite agence publicitaire basée à Stuttgart, jusqu’ici complètement inconnue du grand public.

Connaissez-vous le point commun entre les ultra-libéraux de la FDP, les néo-nazis de la NPD, et une marque de yaourts finlandais ?

Roulement de tambours…

La publicité, tout simplement ! Les deux partis politiques en pleine campagne, et idéologiquement très éloignés, ont eu recours, dans leurs spots publicitaires, à la même séquence vidéo montrant une «famille allemande» typique, nageant, ou plutôt pédalant dans un bonheur sans nuages, sur les routes bucoliques de la Teutonie intérieure, à l’ombre de grands chênes centenaires. Même topo en Finlande, mais pour le compte cette fois d’un fabricant de yaourts. Voici l’image qui incrimine :

La FDP, la NPD et le yaourt finlandais, pris sur le fait, via Die Wegmeister
La FDP, la NPD et le yaourt finlandais, pris sur le fait, via Die Wegmeister

La preuve en vidéo avec le spot de la FDP. La séquence qui accuse apparaît à 1:19.

Pour rappel, la FDP, ou Freie Demokratische Partei, est le parti libéral-démocrate allemand, proche du patronat, qui soutient des thèses favorables au libre-échange et au tout-marché. Pour ces chantres du libéralisme économique, quand la croissance va, tout va, et peu importe le reste. La FDP est actuellement au pouvoir en Allemagne Fédérale, en coalition avec la CDU de la Chancelière Angela Merkel, et se débat pitoyablement pour éviter la débâcle électorale annoncée (et amplement méritée).

Continuons avec le spot de la NPD. La Nationaldemokratische Partei Deutschlands, on ne la présente plus. À l’occasion des élections régionales de Berlin en septembre 2011, j’avais découvert avec fascination sa campagne d’affichage et ses slogans électoraux qui sentent bon la haine et le rejet de l’autre.

Dans ce spot publicitaire, un certain nombre de grands pontes du parti néo-fasciste aux abois martèlent leurs arguments classiques et archi-connus du public allemand : non à l’immigration «de masse» ou «incontrôlée», non à la solidarité européenne envers ce qu’ils appellent les «pays en faillite d’Europe du Sud», non aux «prêcheurs de haine musulmans», aux «Européens de l’Est qui cassent les salaires», non aux «demandeurs d’asile principalement Roms», non à l’«Überfremdung» (le déferlement d’étrangers), non à l’euro, non à «eux», oui à «nous», oui à la bonne vieille Allemagne de papa, ou plutôt de grand-papa d’ailleurs, et tout ça tout ça. Rien de bien nouveau ni original. Au lieu de débourser des «Milliarden» pour les enturbannés à moustache et les feignasses du Sud, poursuit la voix du narrateur, il faudrait investir dans l’avenir, pour assurer le «bonheur de nos enfants» et favoriser les «familles intactes». C’est précisément là, à 1:08, qu’apparaît la séquence de la famille idéale à vélo certifiée 100% aryenne. Strictement la même que chez la FDP plus haut.

Pour finir, le spot finlandais des vendeurs de yaourt sur le site Nelonenmedia.fi, semble pour l’instant avoir crashé, probablement surchargé de visites d’internautes allemands incrédules devant l’énormité des ficelles…

Manifestement, nos trois larrons se sont laissé prendre au piège des clips publicitaires en libre-service sur Internet, que l’on peut acheter en trois clics et pour seulement 49 euros sur Getty Images Deutschland. Incroyable, mais pourtant vrai. Parfois, la vraie vie est encore plus tordue que l’univers surréaliste des satiristes de Der Postillon.

Famille idéale à vendre sur Getty Images Deutschland
Famille idéale à vendre sur Getty Images Deutschland

On pourrait en conclure que finalement, tout ceci montre que les partis politiques allemands se contentent, à peu de choses près, de servir le même yaourt informe à leur électorat anesthésié par tant de cynisme. Ce n’est pas entièrement faux, mais un tel verdict me semble beaucoup trop cruel envers nos pauvres yoghourts, qui n’ont rien demandé à personne et qui sont plutôt savoureux.

Une autre analogie me paraît plus pertinente : la NPD, grande lessiveuse d’authentiques nazis du IIIème Reich, qui depuis un demi-siècle promet de laver le pays plus blanc que blanc, et la FDP, qui persiste depuis des décennies à nous laver les cerveaux dans sa gloubi-boulga néolibérale, auraient mieux fait de copier des spots publicitaires de fabricants de lessives. Là, ils auraient été dans leur élément, et personne n’aurait cillé devant cette nouvelle affaire de plagiat en politique.